(ENGLISH VERSION HERE)
Je ne pourrai jamais remercier assez mon blog (et vous, par la même occasion) de me permettre de vivre des moments humains d’exception (ici, ici ou là). Mardi dernier, j’ai eu l’immense honneur d’être conviée par la maison Louis Vuitton à une rencontre privilégiée avec Jirō Taniguchi, le célèbre auteur de manga.
Lorsque j’ai appris cela, vous ne pouvez imaginer dans quel état d’ impatience/appréhension/fébrilité/excitation j’étais, sachant que je suis fan de son talent depuis si longtemps (ici et ici par exemple).
Lieu de rendez-vous : le Cabinet d’écriture Louis Vuitton au 6 place Saint Germain des Près, endroit totalement approprié puisque dédié à l’amour des lettres et de la belle papeterie. L’atmosphère est propice à la confidence, un éclairage presque à la bougie.
Ici sont vendus les « Travel books Vuitton », carnets de voyage illustrés par une multitude d’artistes talentueux (Lorenzo Mattoti pour le Vietnam, Philippe Delhomme pour New-York et Jiro Taniguchi pour Venise… entre autres), les « City guides » Louis Vuitton, de précieux stylos plume, des encres aux pigments uniques.
En attendant « maître » Jirō, j’ai pu admirer la finesse des détails d’une planche originale de l’artiste exposée en vitrine. L’ « Eye Candy » par excellence.
Puis monsieur Taniguchi arrive, accompagné de sa traductrice. Tellement simple, habillé d’une chemise, tee shirt et baskets à la manière d’un touriste japonais à Paris, mais tellement impressionnant à la fois. Une humilité imposant le respect. Il prend place à sa table, d’où il dédicacera pendant près de 2h30.
J’ai la chance de le rencontrer en premier. Nous nous saluons, aussi hésitants l’un que l’autre. Je veux savourer cet instant béni.
Pour essayer de briser la glace, le coeur battant, je lui offre un petit dessin que j’ai fait pour lui : il sourit, me dit qu’il aime beaucoup et qu’il paraît plus jeune dessus ! Je lui réponds que comme dans ses livres, il a l’habitude de décrire des flashbacks et autres nostalgies du passé, je me devais de le dessiner un peu plus jeune ! Il sourit.
Nous nous installons et l’interview commence.
TKBB: Bonjour monsieur Taniguchi, je suis extrêmement heureuse de vous rencontrer, vous ne pouvez imaginer !…Pouvez-vous me dire pourquoi vous avez choisi Venise pour ce travel book Vuitton ?
JIRŌ TANIGUCHI : Au départ on m’a laissé le choix entre Paris et Venise. J’avais une préférence pour Paris mais j’ai dit que Venise me plairait énormément aussi. Il s’est trouvé que Paris a été attribué à quelqu’un d’autre (ndlr: Cheri Samba), j’ai donc travaillé sur Venise.
TKBB : Comment s’est passé le voyage à Venise ? Combien de temps êtes-vous resté ? Étiez-vous seul ou accompagné ?
JIRŌ TANIGUCHI: J’y étais avec ma femme, ma traductrice et une guide japonaise dont le mari est vénitien et qui habite Venise. Nous y avons séjourné pendant une dizaine de jours. On visitait un peu au hasard au gré de ce que la guide nous proposait, je souhaitais découvrir des endroits autres que ceux traditionnellement visités par les touristes.
TKBB : Justement, qu’avez-vous observé d’insolite à Venise ?
JIRŌ TANIGUCHI : un moment qui est dans le livre justement ! Lorsqu’ un énorme paquebot passe sur le grand canal et semble se dresser comme un immeuble plus gros que toutes les habitations vénitiennes, c’était impressionnant !
TKBB : Comment s’est faite l’élaboration du livre ? Avez-vous tout dessiné sur place ?
JIRŌ TANIGUCHI : Non j’ai pris énormément de photos et j’ai tout redessiné à Tokyo.
TKBB : Votre épouse ne pouvait donc pas en profiter pour faire du shopping à Venise pendant que vous dessiniez alors !
JIRŌ TANIGUCHI : (rires) non !
TKBB : D’ailleurs, qu’écoutiez vous comme musique lorsque vous dessiniez pour ce livre ?
JIRŌ TANIGUCHI : J’écoutais beaucoup la radio et des musiques de film.
TKBB : Et quelle musique conseilleriez-vous pour le lire, comme ambiance de fond ? J’ai entendu dire que vous aimiez beaucoup le groupe français Air.
JIRŌ TANIGUCHI : oui c’est vrai j’aime beaucoup. Je conseillerais de lire ce travel book en écoutant de la techno… haha non, je plaisante, je conseillerais plutôt les chansons de Brian Eno.
TKBB : J’ai lu dans une interview que si vous deviez choisir avec qui être coincé dans un ascenseur, ce serait avec votre femme. Que si vous deviez emporter quelque chose ou quelqu’un sur une île déserte, ce serait aussi votre femme (Oh quel romantique ce Jiro! hehe). Justement, si vous deviez la surprendre par un voyage ou une destination surprise (autre que Venise), où pensez-vous qu’elle aimerait aller ?
JIRŌ TANIGUCHI : Elle préfère rester chez elle… donc je dirais à la maison !
TKBB : Ha ! ha! au moins ça ne coûte pas cher de la satisfaire !
JIRŌ TANIGUCHI : (rires) non en effet.
TKBB : J’ai également énormément aimé « le Gourmet solitaire », manga par lequel je vous ai connu, justement. Si ce gourmet solitaire devait errer dans Venise, quel plat choisirait-il de tester ?
JIRŌ TANIGUCHI : mmm… je pense à des spaghettis à la Bolognaise.
TKBB : … sinon, lors de mon récent voyage au Japon, j’ai pu me rendre compte de la fascination des japonais pour la France: qu’enviez vous aux occidentaux?
JIRŌ TANIGUCHI : je crois que je leur envie leur visage, les traits de leur visage. (ndlr : hehe! L’éternel fantasme de « l’herbe est plus verte ailleurs »)
TKBB : et pour finir, si vous deviez dessiner un autre travel book, quelle destination serait-ce (Paris hors compétition donc)?
JIRŌ TANIGUCHI : je ne sais pas où exactement mais un endroit où il y aurait beaucoup de verdure, beaucoup d’espace, de la nature, loin de la ville.
TKBB : merci beaucoup d’avoir répondu à mes questions monsieur Taniguchi, arigatō gozaimasu !
JIRŌ TANIGUCHI : Arigatō gozaimasu !
Pendant qu’il répondait aux questions, il a pris soin de me dédicacer mon exemplaire que je pense admirer chaque jour (je vais même dormir avec ce soir tiens). Ensuite, une photo pour immortaliser cette rencontre… Quelle émotion !
Rencontrer un artiste que l’on admire a toujours une saveur spéciale. Quelqu’un que l’on pensait inaccessible se rapproche de nous le temps d’un rendez-vous… C’est un peu comme lorsque l’on feuillette un livre de voyage finalement : Une destination lointaine nous paraît plus familière. Alors…lorsque les deux sont intimement liés, que peut-on rêver de plus?
(ENGLISH VERSION HERE)
TRAVEL BOOK VENISE
by JIRŌ TANIGUCHI
(Ed. LOUIS VUITTON)